ÉPREUVE DE MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE :
EXPLICATION DE TEXTE
Rapport présenté par Patrick Voisin
Au risque de sembler commencer in medias res – et après avoir remercié les membres du jury qui nous ont apporté leur témoignage sur la session 2015 –, nous devons préciser d’emblée que l’épreuve de « mise en situation professionnelle » n’est pas une épreuve de didactique – contrairement à ce que pensent et laissent penser un certain nombre de candidats –, même si elle repose sur un dossier contenant « un ou plusieurs documents à visée didactique ou pédagogique » qui accompagnent un texte de langue française à expliquer ou, encore, si le texte officiel précise que dans les 20 minutes de l’entretien « le candidat est invité à dire comment il aborderait pour un niveau de classe donné le texte proposé » ; elle consiste principalement – pour la part de temps plus importante qui lui est consacrée dans la préparation et lors du passage ainsi que pour la répartition interne des points – en une explication de texte académique ; toutefois, il est demandé aux candidats de penser, d’ores et déjà, qu’il pratiqueront cet exercice de l’explication de texte dans le cadre d’une classe avec des élèves, ce qui suppose, dans le temps de la préparation, une réflexion d’ordre pédagogique sur l’enchaînement et la nature des étapes.
D’autre part, l’épreuve ne s’arrête pas à ce seul exercice mais comprend une question de grammaire – dont traite un autre rapporteur – ainsi que l’étude d’un document iconographique corrélé à l’explication de texte même, comme nous le verrons plus loin, puisque le professeur de lettres est appelé à manifester des compétences en matière d’histoire de l’art et d’étude de l’image.
Pour résumer, il est attendu des candidats, non qu’ils présentent leur exposé sous l’angle de la didactique ou qu’ils mettent en œuvre, durant le passage devant le jury, des réflexions ou un discours directement pédagogiques, mais qu’ils montrent tout simplement que d’étudiants de lettres qu’ils sont au moment où ils passent l’épreuve ils peuvent devenir des professeurs de lettres à la rentrée suivante (CAPES), ou bien que d’enseignants de lettres exerçant déjà ils sont dignes de bénéficier d’un contrat (CAFEP), ou encore qu’une reconversion professionnelle dans l’enseignement peut se faire sur des bases qui appelleront certes un travail important d’acquisition de connaissances mais qui semblent déjà encourageantes (concours 3è voie), avec ce que cela suppose, pour ces trois profils, de qualités dans l’attitude, le discours, les connaissances et les compétences à l’usage des élèves de classes de collège ou de lycée.
Le patrimoine et la tradition
Les règles du jeu – esprit et modalités de l’épreuve – ont été fixées de façon très claire et très exhaustive par le rapport de la session 2014 qui a informé les candidats à la fois sur les fondamentaux des exercices et sur les modifications substantielles intervenues avec le nouveau CAPES de lettres. Serait-ce à dire qu’il n’y aurait rien de nouveau sous le soleil de la session 2015 ? Oui et non. En fait, toute la question ainsi que la réponse sont à envisager dans le rapport qu’il y a entre les notions de patrimoine et de tradition. Faisons ce rapide détour. La notion de patrimoine repose sur celle de mémoire, en faisant des objets, des monuments ou des œuvres des « lieux de mémoire », alors que la notion de tradition développe un horizon prospectif, puisqu’il s’agit de transmettre indéfiniment. Pourtant, les deux notions ne sont pas contradictoires ; la tradition a bien pour fonction de transmettre ce que le patrimoine a rassemblé, dans un renouvellement constant à travers ses passeurs ; dès lors, la tradition n’est plus seulement passage de relais, mais écriture continuelle de la transmission – et parfois même réécriture –, donc actualisation du patrimoine.
On l’aura compris : le précédent rapport 2014 – comme pour toutes les épreuves d’ailleurs – constitue le patrimoine auquel les candidats, au-delà de la session 2015 – sorte d’An II –, devront jusqu’à nouvel ordre se référer ; sa fonction était de donner les nouvelles règles du jeu du tout neuf CAPES de lettres et de fixer un horizon : rappel du texte officiel, modalités précises de l’épreuve, sens à donner à l’expression « mise en situation professionnelle » et méthodologie des exercices ; nous invitons donc les futurs candidats à s’y reporter également et à ne pas se contenter du seul rapport 2015. Que reste-t-il alors pour le rapport 2015 ? Comme le sera le rapport 2016 l’an prochain, il est investi du devoir de tradition au sens que nous avons développé précédemment : il convient de transmettre les règles du jeu, mais surtout de les actualiser, à la lumière de ce que le jury de l’épreuve de « mise en situation professionnelle » a pu noter cette année de positif et de négatif dans les prestations des candidats.
Nous organiserons en plusieurs temps le bilan qui ressort de la session 2015 ainsi que les conseils méthodologiques qu’il appelle. Mais, avant cela, il convient de dire que, si l’on met à part les traditionnels mauvais candidats – qui se sont mal préparés à l’épreuve – et les excellentes prestations – qui laissent parfois penser qu’il s’agit d’agrégatifs peut-être admissibles parallèlement –, le niveau moyen de l’épreuve est assez satisfaisant ; il n’a pas baissé, voire il présente une courbe ascendante, probablement du fait de la préparation reçue en amont dont bénéficient à présent les candidats ; si l’explication de texte et l’étude du document iconographique, certes, appellent bien des approfondissements d’ordre scientifique (connaissance des auteurs, des genres, des époques et des outils critiques) et nécessitent une plus grande maîtrise des codes, la méthodologie semble néanmoins plus sûre ; le rapport 2014 aurait, de ce côté-là, porté ses fruits très rapidement.
L’éthos du candidat
La personne qui se présente pour passer l’épreuve n’est ni un professeur devant des collègues ni un élève devant des professeurs ; elle est un(e) candidat(e) qui doit trouver la bonne attitude, la juste manière d’être ; sans entrer dans des considérations poussées sur le ça et le surmoi, les candidats commettent parfois des maladresses grossières à ce niveau.
Tout d’abord, vouloir serrer la main du membre du jury qui est dévolu à l’accueil est une faute de goût ; l’épreuve de concours n’est ni un entretien d’embauche ni une inspection ni une visite-conseil ; la relation qui s’établit durant une heure n’est pas une situation entre collègues de l’éducation nationale mais, répétons-le, entre un candidat et sa commission de jury ; d’ailleurs, les candidats du CAPES, du CAFEP et du concours 3è voie sont mélangés et il n’y a pas trois modes relationnels de passage différents. L’excès signalé reste heureusement assez rare et les candidats du CAFEP – plus probablement – ne gagnent pas à vouloir envoyer des signes qu’ils sont déjà des collègues.
Plus souvent, tout de même, les candidats qui ont déjà une expérience de l’enseignement ont tôt fait de mener leur exposé comme s’ils avaient des élèves en face d’eux ; leur exposé devient pesant par excès de pédagogisme : articulation lente de certaines phrases pour faciliter une prise de notes ; discours scandé de « hein ! » ou « d’accord ? » quand ce n’est pas « ok ? » ; index très actif accompagnant un « comme vous le savez » ; adresse à la deuxième personne à l’égard du jury comme pour solliciter sa participation : « vous voyez que » ou même « je vous rappelle les enjeux ». Tels sont les écarts de comportement qu’il faut absolument corriger ; l’épreuve n’est pas une situation de cours devant des élèves. À l’inverse, certains candidats semblent être en position d’élèves ou d’étudiants, le crayon à la main comme s’ils avaient à prendre des notes, et ne présentent pas la personnalité qu’ils devraient montrer à quelques mois d’une potentielle entrée dans le métier ; sont-ils réellement prêts et aptes à enseigner ?
Il convient de relire le rapport 2014 qui explique clairement que l’explication de texte prend en ligne de compte le fait que les candidats enseigneront la langue et la littérature françaises à des élèves, ce qui exclut un travail hermétique consistant dans l’étude d’une fable de La Fontaine à partir des travaux du Groupeµ ou encore le recours à la chronogénèse guillaumienne comme sésame illusoire d’une explication qui tenterait de faire oublier une carence des bases en matière d’approche des textes pour des élèves du 2nd cycle ! Loin d’être seulement universitaire et académique, l’exercice est dorénavant davantage orienté vers une dimension professionnalisante en cela que les candidats doivent penser qu’ils le pratiqueront devant des élèves au-delà de leur jury de concours. Cela implique les remarques qui suivent. L’épreuve étant une « mise en situation professionnelle », les candidats doivent montrer dans leur propos l’assurance qui fondera leur autorité devant une classe ; un professeur qui hésite sème le doute sur ses compétences. Si l’on n’est pas sûr de quelque commentaire ou caractérisation, l’erreur serait de ne rien formuler ; il convient plutôt d’émettre des hypothèses avec leurs justifications – voire la justification des doutes – et l’entretien servira à fonder un choix si la question n’a pas été tranchée dans l’exposé. De façon générale, les candidats qui ne sont pas convaincus par ce qu’ils disent le masquent difficilement et ce qui dans les mots ou l’attitude est un agacement contre soi-même peut être interprété par le jury comme de la désinvolture vis-à-vis du dossier proposé ou du travail demandé.
Le bon éthos de candidat se mesure encore au langage utilisé et au débit du discours. Pourquoi certains candidats multiplient-ils des formules telles que « donc je vais lire », « je vais maintenant procéder à la lecture », « on y va », « on va y aller progressivement », ou « on va conclure sur tout ça » ? Le faire n’implique pas de dire qu’on va le faire et le jury est capable d’apprécier où les candidats en sont du parcours de leur exposé. Faut-il, lorsqu’on éprouve le besoin de boire – et même si la formule pour une fois n’est pas vulgaire – dire au jury : « je me permets de m’abreuver » ? D’autre part, la maîtrise du débit de parole, ni trop rapide car cela conduit fatalement à un travail bouclé en 10 ou 15 minutes, ni trop lent car cela implique très souvent d’accélérer l’explication et de bâcler la conclusion, devrait être davantage soignée ; les candidats ne devraient pas se voir rappeler qu’ils n’ont pas utilisé tout leur temps de parole ou qu’ils vont devoir conclure rapidement ; n’ayant ni montre ni pendulette, plusieurs candidats ont même demandé à leur jury où ils en étaient du temps dont ils disposaient !
La bonne gestion des instruments de travail n’est pas indifférente non plus, car un professeur doit savoir organiser son bureau afin de ne pas chercher ses outils pendant une séance de cours ; au lieu de tourner et de retourner leurs feuilles à la recherche des mots de leur préparation pour ensuite les lire, les candidats devraient savoir évoluer du regard entre le dossier, leurs notes et, si besoin est, le livre qui reste souvent délaissé sur un côté de table – voire dans l’enveloppe contenant au départ le dossier et le livre. Certes, les candidats sont invités à travailler à partir des pages constituant leur dossier et ils peuvent même écrire en marge du texte ou de l’image, mais il est également recommandé d’avoir le livre ouvert à la page du texte ; on ne comprend pas non plus pourquoi certains candidats perdent du temps à recopier sur leur brouillon des morceaux du texte quitte à les déformer !
Il y a également la maîtrise du niveau de discours. Il est difficile d’entendre sans sourciller des candidats parler d’une romance qui se termine « en queue de poisson », d’un personnage qui est « à côté de la plaque » ou semble « tomber comme un cheveu sur la soupe » ; de même, Rousseau se livre à un commentaire « mi-figue mi-raisin » et Hugo « souffle le chaud et le froid » ; quant à Julien, dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, il « va pimenter le quotidien de Mme de Rênal » car « ils se tentent l’un l’autre » ; d’ailleurs, « Mme de Rênal prend son temps car elle est chez elle » ! Dans le Jeu de l’amour et du hasard (II, 11) de Marivaux, Monsieur Orgon « tire les vers du nez de sa fille » et va d’ailleurs « la recadrer », alors qu’elle « voulait tester son père et son frère ». Certaines expressions ont la vie dure : « faire passer un message » ou « véhiculer un message », « basé sur » au lieu de « fondé sur », « par contre » au lieu de « en revanche ». La syntaxe des phrases est régulièrement malmenée ; les candidats sont donc invités à faire des phrases simples s’ils ne peuvent dominer la phrase complexe à l’oral : « l’habitude dont tout le monde doit se conformer ». C’est souvent dans l’entretien que les candidats perdent le contrôle de leur discours : « j’ai du mal ! », « je me ressaisis », « ah oui je vois ce que vous voulez dire » avec sa variante inverse « je ne vois pas ce que vous voulez me faire dire » – quand ce n’est pas « c’est le stress, j’l’ai pas noté bien sûr » ou « mince, j’l’avais pas vu » ! Quant à souligner au jury qu’on ne comprend pas ses questions, est-ce vraiment bien adroit ?
Enfin, la maîtrise de son corps est également une donnée importante dans la situation de communication que représente l’épreuve. Peut-on prendre au sérieux des candidats qui font tourner leur stylo entre leurs doigts ou qui se tiennent d’une manière par trop relâchée derrière leur table ? Quant au choix des vêtements que l’on porte pour passer son épreuve, il a son importance : certaines candidates comprennent seulement devant le jury qu’elles ne portent pas la bonne tenue ; leur gêne grandissante les empêche de se concentrer sur leur travail ; les tenues extravagantes ou à la limite de la correction sont donc déconseillées.
Bref, comme le rappellent tous les rapports de jurys de concours, tenue, attitude, élocution, langage et communication sont des paramètres sur lesquels le travail trouve une bonne ou une mauvaise assise – ou assiette, dirait Montaigne ; certes, cela est loin de suffire et tout le travail reste à faire, mais il y a un art d’agréer sans lequel Pascal rappelle que tout discours perd sa crédibilité – et cela ne concerne pas que les prédicateurs.
Terminons par cette autre évidence : l’entretien, plus encore que l’exposé, suppose que l’échange se fasse non seulement par la parole mais dans une conversation des regards ; certains candidats présentent leur exposé tête baissée et répondent aux questions en jetant des regards de côté sans quasiment jamais croiser ceux du jury ; craignent-ils d’être pétrifiés et feront-ils ainsi avec leurs élèves ? Les candidats sont invités à ne pas non plus multiplier des formules qui proviennent très probablement d’une politesse louable et de bons sentiments, mais qui ne s’imposent pas, telles que « merci de m’avoir écouté(e) » ou « merci de votre écoute », voire s’avèrent être décalées au moment de quitter la salle : « bonne journée » ou « bon courage ». Les candidats n’ont pas non plus à vouloir expliquer les raisons pour lesquelles ils pensent ne pas avoir été à la hauteur de l’épreuve ; parfois ils se trompent sur leur prestation et ils laissent au jury comme dernier signal une impression qui ne les sert pas vraiment : par exemple « je vous saurais grief d’être assez indulgent à mon égard ».
L’explication de texte
L’auteur et le texte proposés
Certains candidats sont tentés de penser que l’auteur et/ou l’œuvre qui leur ont été proposés – puisque depuis la session 2014 le choix entre deux textes n’existe plus – étaient plus difficiles que ce que d’autres candidats avaient eu à traiter. C’est une illusion qui sert à masquer les vraies faiblesses et à justifier un échec anormal. Toutes les périodes, tous les genres et tous les auteurs ont leurs clés d’étude ainsi que leurs difficultés afférentes et différentes ; car il ne s’agit pas non plus de faire croire que la littérature serait quelque chose de facile ; elle pose problème et engendre plus de questions que de réponses parfois. Donc un candidat qui se présente au CAPES de lettres et va enseigner à la rentrée suivante se doit de connaître son histoire littéraire, sa poétique des genres et les grandes lignes de l’œuvre d’auteurs faisant partie du canon ; lorsqu’un auteur moins canonique – pour ne pas rentrer dans le débat sur les grands auteurs ou les grandes œuvres, voire les chefs-d’œuvre ou les auteurs mineurs – leur est proposé, il y a parfois un enjeu moins pesant ; et la maîtrise des outils littéraires permet de mener un travail de lecture intelligent dans une démarche heuristique qui ne donne pas l’impression qu’il y aurait une vérité déjà acquise – contrairement à ce que les candidats pensent à tort des grands textes. En ce sens, une page de Montaigne n’est pas plus difficile qu’une page de Butor parce qu’elle viendrait du XVIè siècle ; et une page de Molière n’est pas plus facile qu’une page de Beckett parce qu’elle serait moins métaphysique. Des pages de Sodome et Gomorrhe de Proust, d’Amers de Saint-John Perse (« Invocation », 3) ou de 14 d’Echenoz (chapitre 15) n’ont pas mis les candidats plus en difficulté que des grands classiques comme Candide ou Zadig de Voltaire, Le Rouge et le Noir de Stendhal, les Contemplations de Victor Hugo ou Phèdre de Racine.
Une explication… littéraire
Il faut admettre que certains candidats, pourtant titulaires d’une licence, n’ont toujours aucune idée de ce qu’est une explication littéraire, c’est-à-dire – quitte à donner l’impression d’une tautologie – une explication de nature « littéraire », au-delà de ce que raconte ou dit ou montre ou développe le texte – si l’on s’engage dans les spécificités des genres (récit ou roman, poésie, théâtre, essai). Plus inquiétant encore, des candidats ne comprennent pas le sens littéral du texte, ce par quoi commence pourtant toute explication de texte, même si son horizon ambitieux la conduit à envisager peut-être une valeur métatextuelle qui n’est pas obligatoire non plus dans tous les textes ; la discerner quand elle est pertinente est le propre des très bons candidats ; l’y trouver lorsqu’elle n’existe pas en la fondant de surcroît sur une compréhension littérale déficiente du texte conduit à des catastrophes.
Qu’entendre par approche littéraire ? C’est envisager que l’exercice ne peut être considéré comme abouti s’il ne se penche pas sur la langue, le style et l’écriture, pour reprendre la triple distinction que fait Roland Barthes. C’est envisager que toute explication de texte suppose des caractérisations claires et précises, donc un vocabulaire littéraire spécifique. Or, cette approche littéraire doit être présente aussi bien dans le temps de la préparation – où les candidats prennent ou non conscience de ce qu’est la littérature par leur aptitude à travailler non seulement sur les informations que le texte livre, comme tout texte qu’il soit littéraire ou non, mais aussi sur le tissu de mots – que dans la communication qui s’établit ensuite, d’abord dans l’exposé au cours duquel le jury reste silencieux, puis lors de l’entretien. Sentir la nature littéraire d’un texte dans la phase de préparation ne signifie pas qu’elle soit comprise dans ses ressorts ni n’implique qu’elle sera partagée ensuite pendant l’exposé ; c’est pourtant là que se joue l’épreuve, avec ses deux versants : comprendre pour soi et, non pas faire comprendre à autrui, mais partager cette compréhension avec autrui, dans la connivence et la complicité intellectuelles dont le texte est l’outil objectif.
Un exercice académique
Il y a une donnée fondamentale que beaucoup de candidats oublient : faire une explication de texte à l’oral n’est pas un acte naturel, non plus que disserter à l’écrit. C’est un exercice académique que l’on pratique dans la préparation d’un concours, lors de l’épreuve de concours et pour préparer ensuite des élèves ou des étudiants à un examen ou à un concours. Autrement dit, c’est un exercice rhétorique avec ses règles, ses contraintes et son vocabulaire propre. La pragmatique du discours des candidats passe par cette maîtrise, en particulier dans la suite des étapes qui jalonnent l’explication du texte ; les candidats ne doivent pas commettre d’erreur dans l’ordre de ces étapes et/ou sur leur objet spécifique ; chaque étape possède son enjeu particulier qui impose aux candidats d’être en adéquation avec les attentes.
L’introduction
L’introduction constitue le diapason d’un exposé qui va durer – pour l’explication de texte et l’étude du document iconographique – un maximum autorisé de 30 minutes ; les premiers mots doivent déjà « marquer des points » et entraîner l’adhésion du jury. À éviter donc… les premiers mots de cette candidate : « (Long soupir) Très bien (Silence) On va attaquer ! » Lorsqu’on dispose de trois heures de préparation pour l’ensemble de l’épreuve, on doit faire en sorte que le premier propos que l’on tient soit de qualité : juste, clair, pertinent et déjà précis. Au lieu de cela, les candidats oublient de contextualiser, s’appuient sur des éléments qui ne sont d’aucune utilité pour le texte à expliquer ou commettent des erreurs sur les siècles et les mouvements littéraires ou artistiques.
Ils croient trouver une bouée de sauvetage dans les introductions et notes du livre qui leur a été remis parallèlement au dossier, mais le résultat est souvent pire encore ; soit l’introduction semble adéquate mais les interrogateurs connaissent l’ouvrage et ne peuvent pas mettre au crédit du candidat ce qu’il a simplement recopié et non digéré ; soit le candidat croit faire son effet avec un propos en apparence pointu – mais emprunté et dont la source est tue –, alors que cela n’a aucune pertinence pour mettre en place un ancrage efficace du texte. Cela ne signifie pas que les candidats doivent ignorer le livre de référence, mais qu’ils doivent en faire un bon usage en réfléchissant sur les informations qu’il apporte et en les triant, avec le souci de ne pas plaquer des connaissances mais de les valoriser dans un discours qui soit personnel. L’introduction est une préparation discrète des enjeux du texte sans pour autant que ceux-ci ne soient déjà dévoilés, ce qui sera l’objet de la problématique mise en place après la lecture. En aucun cas elle ne doit s’éterniser en généralités accumulées et laisser penser que, l’étape de la lecture ayant été oubliée, l’explication aurait commencé sans que l’on se penchât sur le texte. En bonne méthode, l’introduction, qui est une présentation du texte – et non de l’explication qui va en être donnée –, est constituée d’un ancrage contextuel, intertextuel ou cotextuel efficace, puis d’une présentation succincte de l’objet ou de la situation du texte avec éventuellement une indication sur sa tonalité. Mais en aucun cas la problématisation ne saurait être mise en place ici, puisque le texte n’a pas encore été lu. Tout juste peut-on déjà émettre des hypothèses sur le titre d’un poème : « Marizibill », par exemple, dans le poème d’Alcools d’Apollinaire… Que suggère d’emblée ce nom ?
La lecture
C’est également souvent dès la lecture orale du texte – quand elle n’est pas oubliée – que les candidats laissent préfigurer la faiblesse de leur explication : la compréhension du texte est déjà présente ou absente, à travers la perception des points de vue dans une page de roman, ou la métrique dans un poème, ou le dialogue au théâtre, ou encore les phases de l’argumentation dans une page d’essai. Parfois c’est la lecture en tant que déchiffrage qui, d’emblée, met les candidats en situation difficile : erreurs de lecture – en particulier sur des noms propres –, réécriture du texte par des ajouts ou des retraits de mots, problèmes de liaison… La prosodie est l’occasion des maladresses les plus criantes : ne pas lire des alexandrins de façon juste (à cause des diérèses / synérèses ou des e caducs) pour annoncer ensuite que le poème est en alexandrins n’est pas cohérent ; lire le texte en vers en ne pratiquant pas les enjambements rend parfois la phrase incompréhensible. Pourquoi, par ailleurs, les candidats ne lisent-ils pas les didascalies d’une page de théâtre ? Ne font-elles pas partie du texte ? Et n’est-ce pas dans l’écart entre le texte lu qui les contient et la mise en scène qui les traduit en gestes ou en expressions que le texte dramatique prend de l’épaisseur ? Pensons en particulier à Beckett (En attendant Godot) : comment savoir que Vladimir et Estragon échangent des injures, sautent et titubent en faisant l’arbre si les didascalies ne sont pas lues ?
Ne parlons pas des lectures sans saveur, sans grain de la voix, sans goût… qui ne donnent aucune vie au texte, qui ne réveillent jamais les signes le constituant et qui, surtout, si elles perdurent dans la pratique en classe, ne donneront jamais l’appétit de la lecture à des élèves dont on sait que les faiblesses viennent principalement de l’absence de lectures. Une candidate, ne faisant aucun effort ou mettant de la mauvaise volonté, après deux ou trois « Moabdar » écorchés (dans l’incipit de Zadig), a l’audace de dire « je n’arriverai pas à le dire celui-là, je me suis pourtant entraînée » ; rappelée à l’ordre sur le fait qu’un professeur de lettres doit au moins savoir lire le texte devant sa classe, elle y est arrivée tout naturellement. Quelques lectures exécutées de manière vivante et naturelle – sans effets théâtraux – ont montré à quel point la littérature n’est pas qu’un monde de signes et encore moins une forêt inextricable.
Explication linéaire ou lecture organisée ?
Se pose toujours, pour le candidat, la question du choix entre une explication linéaire ou une lecture organisée ou composée de type méthodique. Les interrogateurs n’ont qu’une attente : que le candidat, dans le temps qui lui est imparti, couvre voire sature le plus possible le texte qui lui a été proposé via les deux opérations requises pour cela : la précision de l’analyse et la rigueur de la synthèse. On connaît les défauts principaux que les deux méthodes occasionnent chez des candidats faibles : la paraphrase et les longueurs dans un cas, le survol excessif du texte dans l’autre cas ; les inévitables parties artificiellement découpées dans un cas, la dilution de tout mouvement dans des entrées tout aussi artificielles dans l’autre cas. Néanmoins, il paraît plus pertinent d’adopter la démarche de l’explication linéaire pour un texte – romanesque, dramatique, poétique ou d’idées – qui présente un fil dynamique, un trajet ou une progression que la lecture méthodique risque de briser, néantisant ce qu’est le travail de l’écriture par une lecture qui n’entre pas en harmonie avec elle – deux volets pourtant indissociables dans le jeu amoureux qui caractérise la relation auteur-lecteur.
Le projet de lecture ou problématisation
Autre écueil dont les candidats doivent être conscients : toute explication de texte doit être sous-tendue par un axe à la fois continu et dynamique. Après avoir introduit puis lu le texte, les candidats savent qu’il faut problématiser l’explication qui va être développée. Beaucoup oublient pourtant que cette problématisation, à travers des axes ou des enjeux de lecture, d’une part ne doit pas être oubliée une fois annoncée mais guide de ligne en ligne ou de vers en vers les choix d’analyse, d’autre part suppose tout au long de l’explication une gradation du niveau littéral vers le niveau symbolique voire métatextuel, jusqu’à la conclusion qui doit apporter des réponses aux questions posées initialement pour ainsi les valider.
Très souvent le projet de lecture – qui repose d’ailleurs sur une seule question faible au lieu du feuilletage recommandé de deux ou trois questions montrant le souci de creuser le matériau textuel – n’est qu’une simple amorce que ne relaie pas le travail d’interprétation audelà de la compréhension littérale. Ainsi, une candidate a proposé de lire « Marie, levezvous… » des Amours de Ronsard comme « un poème se situant entre tradition et modernité » sans jamais ensuite montrer ce qui relevait de l’un et de l’autre ; parallèlement, un autre candidat a développé une explication très fine dans le droit fil de son projet qui était de situer ce sonnet par rapport au pétrarquisme et au baroque. Or, d’une part le projet de lecture doit initier la démarche interprétative sous la modalité du questionnement, d’autre part l’explication elle-même doit s’efforcer de constamment apporter des éléments de réponse au projet de lecture ; dès lors, la conclusion ne peut être que réussie. Au lieu de cela, n’ayant pas compris que la problématisation de l’explication trouve ses éléments dans la « substantifique moelle » du texte, les candidats soit plaquent sur l’extrait des indications trouvées dans les ouvrages dont ils disposent (œuvre introduite et annotée ou usuels consultables en salle de préparation) au risque qu’elles n’aient aucun rapport avec le texte ou – ce qui est pire – introduisent un contresens dans l’explication, soit considèrent qu’énoncer l’objet du texte ou lister les parties découpées dans le texte suffit à problématiser.
À titre d’exemples voici quelques problématiques qui soit sont trop simplistes, soit éclairent peu sur l’explication à venir, soit préfigurent une construction intellectuelle des plus douteuses : « Comment le poème est-il un moyen d’arriver à nous faire parler de ses ennuis et de ses regrets ? » (Du Bellay, Regrets, « Las où est maintenant… ») / « Comment le style télégraphique fait-il émerger la fraternité ? » (Char, Feuillets d’Hypnos, III) / « Dans quelle mesure la focalisation par derrière et dramatique est-elle un débat argumentatif ? » (Mme de La Fayette, incipit de La Princesse de Clèves). Le comble semble atteint avec celle-ci, toujours à propos de La Princesse de Clèves : « Comment le dialogue entre Mlle de Chartres et M. de Clèves est-il un débat par lequel l’homme examine la créature qui lui est destinée ? » La fausse bonne problématique qui revient assez souvent de la part des candidats ressemble à celle-ci : « Dans quelle mesure la tirade d’aveu de Phèdre à Hippolyte préfigure-t-elle la suite de la tragédie ? » (Racine, Phèdre, II, 5) ; si, dans ce type de questionnement, les candidats n’oublient pas le cotexte en aval – ce qui est louable –, ils ne concentrent pourtant pas leur explication sur les structures de l’extrait ; c’est la conclusion de l’explication qui a pour fonction ultime d’ouvrir sur la suite de la pièce.
En revanche, il y a des projets de lecture stimulants, reposant sur une vraie culture et attentifs au texte : tel candidat propose une belle analyse des « Gaurs » de Michaux (Voyage en Grande Garabagne) ouvrant sur la question de la parole hybride ; tel autre une étude d’un passage de « Misères » (D’Aubigné, Tragiques), dégageant une écriture en action s’appuyant sur des topoï renouvelés et luttant par la plume ; tel autre une explication montrant en quoi la scène de la mort du Duc s’inscrit, par le mélange des genres et des tons, dans le renouvellement du drame propre à l’esthétique romantique (Musset, Lorenzaccio) ; tel autre, à propos d’un passage de Jacques le fataliste et son maître de Diderot, se propose d’étudier « comment le narrateur construit un lieu allégorique au moyen d’une écriture ludique et composite qui déconstruit au fur et à mesure qu’elle édifie significativement » ; tel autre encore met en perspective le portrait d’Arrias dans la pratique de la conversation au XVIIe siècle et montre qu’Arrias dévie par rapport aux codes.
La problématisation de l’explication, faut-il le répéter, résulte de la forme-sens du texte ; les candidats additionnent un vague découpage thématique ou chronologique du texte avec des titres ou des sous-titres incongrus et une question souvent présentée sur le mode prophétique mais sans le moindre rapport avec ce découpage, au lieu d’extraire des hypothèses de sens et de passer du sens à la signification à partir de la forme même du texte : son mouvement, sa structure prosodique, son argumentation, sa dynamique. Le jeu des temps dans la narration ou celui des personnages dans une description ou dans un dialogue rythment la page de roman ; le passage d’une stichomythie à des répliques plus longues – ou l’inverse – structure un extrait de texte dramatique ; le repérage ou l’absence de la volta dans le sonnet ont déjà une signification ; la présence des connecteurs logiques ou le choix de l’asyndète organisent différemment la prose d’idées. Dans tous ces cas spécifiques, la forme précède le sens ou, si l’on préfère, le sens vient dans / avec la forme ; la forme non seulement fait sens, mais elle est sens.
Enfin, il serait bon que les candidats maîtrisent interrogation directe et indirecte au niveau de la question fatidique qui annonce le projet de lecture : nous entendons trop souvent, proférées de façon grave et solennelle, des phrases construites sur ce très mauvais modèle : « nous nous demanderons ainsi comment le texte va-t-il mettre en valeur etc. » ; les discours rapportés constituent pourtant l’une des questions de grammaire les plus fréquemment posées !
La lecture littérale
Le premier écueil que rencontrent certains candidats, c’est la compréhension des phrases du texte ; avant même qu’ils n’exposent leur fragilité en matière de maîtrise de la langue française dans le traitement de la question de grammaire, ils sont capables d’analyses grammaticales surprenantes révélées par leur étude du texte : la confusion entre le sujet et le cod ou un complément circonstanciel non prépositionnel est fréquente, conduisant à des contresens rédhibitoires. À titre d’exemple, les candidats sont à la peine pour comprendre la construction transitive du verbe avec un complément d’objet second dans le vers de Supervielle « la terre s’est allongé une place fine », ou l’inversion dans le vers de Ronsard « et votre beau rosier de boutons couronné ».
Comment, dès lors, comprendre le sens littéral du texte ? C’est bien à ce niveau de la lecture littérale que globalement « Malines » (Romances sans paroles, Verlaine) et « Derrière ce ciel éteint… » (Débarcadères, Supervielle) ont posé des problèmes à des candidats ; il s’agit pourtant simplement, dans les deux cas, de la construction d’un paysage-état d’âme par le regard de l’instance poétique, entre imagination ou rêverie et réalité géographique.
Il arrive également que l’explication commence sur le résultat d’une consultation du dictionnaire qui égare et empêche que la littéralisation se mette en place ; par exemple, une candidate ouvre son explication du caractère de La Bruyère consacré à « Arrias » par des propositions saugrenues, Arrias lui faisant penser à « Arras », « haras », « harassant » ! Quand les candidats gardent un élément intéressant, ils n’en font pourtant parfois rien : à quoi sert-il de gloser le mot « huître » dans le titre du poème de Ponge par le fait que ce coquillage a « deux valves » si l’on ne voit pas aussitôt que les deux premières strophes du poème en prose fonctionnent comme deux valves, la troisième très rapide apportant la perle qu’elles renferment ? Inversement, la compréhension littérale du texte est souvent faussée par l’absence de consultation du dictionnaire ou par une lecture réductrice des informations qui y sont données : les « coups d’épervier » qui figurent dans l’incipit de Bel-Ami de Maupassant ne renvoient pas à l’oiseau de proie – même si Georges Duroy semble en être un – mais à un filet de pêche, comme le syntagme complet et la polysémie du mot « épervier » invitent à le considérer.
Une lecture proposant de voir une scène de fratrie dans l’échange entre Hector, Pâris et Cassandre (La Guerre de Troie n’aura pas lieu, I, 4) ne nécessite pas des allusions savantes ; il faut donc lire le texte à la lumière des propos que peuvent s’adresser deux frères et une sœur ; une candidate a très bien compris comment Giraudoux joue subtilement avec cette situation. Un passage d’Amers de Saint-John Perse (« Invocation », 3) a donné lieu à une explication complexe reposant sur plusieurs strates d’interprétation – en particulier du fait que « la célébration hymnique de la mer », reprise à l’antique, se faisait à l’intérieur d’« un poème réfléchissant son énonciation dans un nouveau régime de représentation » –, mais une explication qui aurait déjà montré comment le mouvement de la mer faisait l’objet d’une écriture mimétique, par les rythmes et les effets sonores, aurait dit l’essentiel à un niveau de lecture simplement littérale et non métatextuelle.
La contextualisation
La difficulté des candidats à mener une lecture interprétative des textes vient grandement d’une ignorance croissante en matière d’histoire, d’histoire littéraire et d’histoire de l’art. L’opéra-bouffe est « un spectacle au cours duquel on peut dîner » ! et la musique de chambre est « agréable le soir pour s’endormir » ! Plus sérieusement, le contexte historique, tout d’abord, peut faciliter la compréhension du texte : par exemple, le réseau Manouchian et l’Affiche rouge pour Le Roman inachevé d’Aragon. La connaissance des grands mouvements esthétiques dans lesquels les textes s’inscrivent de gré ou de force, intertextualité oblige, est également indispensable ; Verlaine est ainsi présenté par un candidat très précautionneux comme « parnassien, peut-être aussi symboliste, mais, au fond, romantique » ! Ou bien les candidats sont totalement démunis de références, ou bien ils se laissent piéger par des clichés, des préjugés, des généralisations abusives : Voltaire toujours ironique, le personnage balzacien nécessairement ambitieux, Dom Juan comédie même si le personnage éponyme meurt à la fin… Au degré le plus bas de l’échelle, certains candidats semblent constituer leur explication de texte à partir de l’addition des seuls éléments qu’ils trouvent dans les dictionnaires de noms communs ou de noms propres, ce qui aboutit à un discours totalement incohérent.
Car, il faut bien le dire, beaucoup de candidats ignorent la notion d’honnêteté au XVIIe siècle pour l’étude du Misanthrope de Molière ou celle de libertinage entre XVIIe et XVIIIe siècles pour mettre en relation le Dom Juan de Molière et les Liaisons dangereuses de Laclos, ont une approche erronée du mot « bourgeoisie » au XIXè siècle pour comprendre Pot-Bouille de Zola, assimilent le contexte religieux des œuvres de Rabelais et de Marguerite de Navarre à celui de la Réforme et des guerres de religion au XVIè siècle, méconnaissent l’École lyonnaise et sa dialectique poétique subtile entre Maurice Scève et Louise Labé, entre pétrarquisme et doctrine platonicienne. Une candidate, faute de relier la scène du Conseil d’Ubu roi de Jarry (III, 7) à de grandes tragédies politiques (Eschyle, Shakespeare, etc.) ne peut apprécier la parodie et voit dans l’extrait une « innovation en tout point ».
Si ces connaissances qui permettent la contextualisation sont essentielles, elles ne doivent pas non plus étouffer l’étude du texte ou conduire à des jugements de valeur. Certains candidats réduisent le texte à un prétexte pour plaquer des analyses historiques, philosophiques ou idéologiques ; ainsi, tout poème d’Éluard ou d’Aragon n’a pas nécessairement un rapport à la poésie de la Résistance ; la scène finale du Voyage au bout de la nuit de Céline ne repose pas sur une clé de lecture unique qui serait le choc de la Grande Guerre ; enfin, une candidate, à propos du repas d’anniversaire de Gervaise, dans l’Assommoir de Zola, parle de « sauvages aliénés par la nourriture » et de « la vulgarité de Gervaise se complaisant dans son état », confondant étude littéraire d’un texte et morale personnelle. En revanche, tel candidat convoque à juste titre Lavater et la physiognomonie pour le portrait de Mme de Bargeton élaboré par Balzac dans les Illusions perdues.
Le cotexte
Les candidats étudient parfois le texte sans le rattacher au cotexte ou sans le situer dans l’ensemble du roman ou de la pièce de théâtre, ce qui conduit à des lectures aveugles. Étudier la scène de première rencontre entre M. de Clèves et Mlle de Chartres sans penser à celle qui aura lieu entre Mme de Clèves (Mlle de Chartres mariée) et M. de Nemours, dans La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette, prive le candidat de comprendre que, le sentiment amoureux réciproque étant absent de cette rencontre, c’est une union fragile qui se prépare. Présenter Mme de Rênal (Stendhal, Le Rouge et le Noir), au moment de la rencontre avec Julien Sorel, comme « une bourgeoise, une femme légère, dans son salon » montre que les premières pages du roman n’ont pas été lues ; il en découle un contresens : Stendhal ferait « avec sarcasme la satire de la bourgeoisie » ; quant à Julien, « à ce moment-là du texte on ne sait pas grand’chose de lui », alors qu’il a été présenté auparavant dans la scierie de son père ! La « grande bouffe » de l’Assommoir de Zola (chapitre 7), illustrant le bas-corporel bakhtinien, et la phrase « ils avaient des faces pareilles à des derrières, et si rouges, qu’on aurait dit des derrières de gens riches, crevant de prospérité » ne peuvent conduire qu’au contresens si on ne les remet pas en cotexte de débordement nécessaire pour supporter la misère quotidienne que ne connaissent pas les bourgeois ; ne sont-ce pas ces derniers que Zola vise plutôt ? De même, la scène II, 11 du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux ne prend sens que lorsqu’on maîtrise le jeu des déguisements antérieurs : la double énonciation et l’illusion théâtrale peuvent alors fonctionner ; et l’on ne parlera pas du « galant Monsieur Bourguignon homme de qualité pas fréquentable ».
Même un poème a un cotexte : « Derrière ce ciel éteint « (Supervielle, Débarcadères), faisant suite à « Paquebot », s’inscrit dans une série de poèmes montrant clairement le voyage en mer, et le lien s’établit naturellement, comme dans une histoire racontée, entre le premier vers du poème à étudier et le poème précédent ; étudier « Malines », un paysage belge des Romances sans paroles de Verlaine, ou « Mandoline » du même poète, mais celui des Fêtes galantes inspiré par Watteau, suppose que l’on resitue ces poèmes au milieu de ceux qui précèdent ou qui suivent ; étudier un poème de Baudelaire tel que « Le Squelette Laboureur » (Fleurs du Mal) sans noter qu’il fait partie des « Tableaux parisiens » ne peut que l’isoler de son cotexte dont il se nourrit par contiguïté ; le point de départ du poème se trouve sur les quais de la Seine chez un bouquiniste, d’où le document iconographique joint : une planche anatomique tirée d’un ouvrage de Vésale (1543) ! C’est bien pour cela que les candidats disposent de l’ouvrage et non seulement du texte figurant dans le dossier.
Le problème posé par un incipit de roman ou une scène d’exposition est différent puisqu’il n’y a pas de texte en amont ; la logique voudra que l’on vérifie en feuilletant les pages – à défaut de connaître l’ouvrage – si les hypothèses de lecture que l’on fait se confirment ou sont infirmées dans la suite du texte ; par exemple, déjà précédée par le sous-titre « ou la Destinée », la phrase « Zadig crut qu’il pouvait être heureux » est riche de sous-entendus à vérifier (Voltaire, Zadig, chap. 1) ; de même, le portrait en action de George Duroy, au premier chapitre de Bel-Ami, n’est-il pas programmatique du comportement du personnage avec les femmes et des réactions de celles-ci à son égard ? Inversement, une fin de roman ou une scène de dénouement supposent de faire le trajet qui aboutit à l’extrait à étudier ; c’est par exemple le cas pour comprendre Anthime amputé d’un bras, lors de son retour à la vie civile, au chapitre 15 de 14 de Jean Echenoz.
Le type de texte et le genre
Tout texte se rattache d’autre part à un type de texte (texte narratif, texte descriptif, texte argumentatif) et/ou à un genre (roman, écriture de soi, poésie, théâtre, essai…) – sans que les candidats n’aient à connaître les subtilités de la question du genre et des genres. Or, les candidats s’évertuent à expliquer leur texte sans passer par cette inscription fondamentale première, a fortiori lorsque le texte repose sur un métissage ou une hybridité qui fait sa nature littéraire ou lorsque l’auteur pratique le pastiche ou la parodie. Dans toutes ces situations, l’explication ne peut être pertinente si elle méconnaît les lois et les définitions des genres, des formes ou des tonalités ; les catégories ne sont pas assez fixées : on confond le tragique, le pathétique et le dramatique, le grotesque, la satire et le burlesque, le merveilleux et le fantastique, ou encore romantique et romanesque, sentimental et galant, etc. ; on ne sait pas distinguer la poésie épique, lyrique et didactique, ou le roman de formation, picaresque, philosophique et épistolaire, ou le récit autobiographique et le roman autobiographique.
D’autre part, il peut être intéressant de noter un effet de théâtralisation dans une page de roman, mais étudier la théâtralité d’une scène de rencontre chez Balzac est-il la priorité lorsque la page s’organise comme une description narrativisée, ne fait entendre aucun échange de paroles et procède de l’alternance des points de vue ? Ce fut le cas pour l’étude de la rencontre entre Lucien et Mme de Bargeton dans les Illusions perdues de Balzac. Les candidats écrasent bien souvent les nuances présentes dans le texte, ne sachant par exemple déplacer le curseur entre gravité et humour d’un texte ; c’est pourtant dans le fait de signaler la violence de tel mot ou la douceur de telle image que les candidats peuvent manifester ce qu’on appelle une sensibilité littéraire qui ne doit pas être confondue avec la sensiblerie ou surtout avec l’autre qualité nécessaire : le sens littéraire, c’est-à-dire le sens de la littérarité. Si les candidats passent le plus clair de leur temps à raconter le texte – quitte à mal le raconter jusqu’au contresens, car ils ne se sont pas suffisamment demandé de quoi parle le texte avant d’envisager comment et pourquoi –, en revanche, l’étude des lois narratives, des formes poétiques, des situations théâtrales ou de la rhétorique argumentative est trop minimisée voire oubliée. Faut-il redire qu’on n’étudie pas une page de roman sans certaines distinctions majeures : récit et discours, narration et description, formes du discours rapporté, voix narrative (qui parle ?) et focalisations ou tout simplement points de vue (qui voit ?) ; ce travail bien mené suffit à assurer une bonne note si la compréhension littérale est juste, mais l’on ne peut se contenter de formuler naïvement la présence d’une focalisation interne en disant : « on est dans sa tête ». Faut-il redire qu’on n’étudie pas un poème sans distinguer s’il relève d’une forme fixe – et laquelle ? – ou s’il est écrit en vers libres, qu’on ne parle pas de paragraphes à propos d’un poème en prose et que l’étude du vers suppose de définir la métrique – par exemple mettre les accents pour comprendre le jeu des coupes ? Ainsi, un candidat étudie « Aube » de Rimbaud sans à aucun moment envisager le poème en prose avec ses effets de mise en forme et de clôture ! Tel autre réduit « Première du monde » d’Éluard, poème faisant alterner alexandrins et octosyllabes, à un simple poème en vers libres. Que la poésie soit classique et codifiée ou moderne et déstructurée, les candidats passent systématiquement pardessus la métrique et la prosodie comme si l’objet poétique n’était pas la priorité de l’étude d’un poème ou d’un extrait de théâtre en vers. Faut-il redire que le texte dramatique convoque un vocabulaire spécifique pour sa description (monologue, dialogue, réplique, tirade, aparté, duo ou duel, etc.) et que le sens de la situation théâtrale permet de mieux faire ressortir une double énonciation ? L’étude pertinente du monologue de Sosie (Amphitryon, I, 1), contenant faux dialogue et apartés, dans une scène où le personnage est à la fois auteur, metteur en scène et acteur comme Molière qui tenait le rôle, est liée à ces connaissances précises. Faut-il redire que la prose d’idées, de Montaigne à Simone de Beauvoir, repose sur les ressorts de la rhétorique et de la dialectique ? Ainsi, tel passage des Essais de Montaigne (II, 12) appelait un travail sur l’alternance entre période et brièveté, sur les arguments a fortiori ou a contrario, etc. Pour finir, tout texte construit ou déconstruit le genre et/ou la forme auxquels il ressortit : le travail de l’explication est dans cette démonstration.
La cohérence de l’explication
L’explication, à l’image du texte-tissu dont elle est un miroir éclairé et éclairant, doit être tissée – et de préférence tissée fin, dans un discours à la fois rigoureux et précis. Telle candidate qui a étudié le sonnet 12 des Regrets de Du Bellay a parfaitement analysé le maillage dynamique du texte comme elle l’avait proposé dans son projet de lecture, grâce à une étude précise de la période initiale, puis du renversement à la volta et, enfin, du vers final contenant le concetto.
En revanche, il y a trop d’analyses éparpillées, décousues, pointillistes et, de ce fait, myopes, avançant à coups de « ensuite » ou « ici nous avons » ; et la paraphrase psychologisante d’une page de roman, d’un poème ou d’une scène de théâtre a toujours la vie dure : une candidate dit elle-même : « pour paraphraser le texte ». D’autres candidats veulent absolument faire entrer le texte dans des grilles thématiques ou herméneutiques qui faussent le sens ; un champ lexical ou un relevé de sonorités aboutissent souvent à des extrapolations que l’ensemble du texte dément : le macrotexte doit être analysé dans ses structures microtextuelles, mais cellesci ne doivent jamais faire perdre de vue la cohérence d’ensemble. La signification donnée au texte doit être à l’écoute du sens, du bon sens même, et non créer un sens factice qui s’aventure au-delà des limites de l’interprétation ; telle candidate, commentant le vers « Trèfle, luzerne et blancs gazons » du poème de Verlaine « Malines », voit dans le trèfle de la campagne belge « un signe du hasard, de la chance et du jeu, donc du jeu poétique » !
La plupart du temps, la littérature habille de figures des réalités humaines bien tangibles ; les candidats doivent parfois déshabiller celles-ci pour qu’elles apparaissent dans leur simple nudité ; cela s’appelle littéraliser le texte. À ce titre, la métatextualité peut être une ouverture intéressante, bien corrélée à l’étude littérale ; mais elle ne s’impose pas toujours, ne peut être un simple clin d’œil quand elle est pertinente et, surtout, ne doit jamais faire table rase de l’explication littérale c’est-à-dire référentielle ; « Le mendiant » de Victor Hugo n’est pas directement, au premier degré, un poème sur le texte poétique troué à l’image du manteaubure devant la cheminée. En revanche, lorsque Maupassant – via son narrateur – dit de Georges Duroy, dans l’incipit de Bel-Ami, qu’« il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires », le commentaire métatextuel s’impose.
Une bonne explication s’élève par paliers – qui sont autant de bonnes surprises –, de la lettre du texte, la littéralité, au plus haut sens, la littérarité. C’est tout l’enjeu de la performativité du texte : il réalise ce qu’il énonce, dans sa dimension métaromanesque, métapoétique, métathéâtrale ou métadiscursive, mais seulement si c’est sa visée.
L’originalité du texte
Les candidats peuvent considérer que le plus gros du travail sur le texte est fait lorsque les caractérisations fondamentales ont été apportées – avec la nécessaire prise de risque que constitue le fait de prononcer ces mots caractérisants sans lesquels toute étude sera superficielle et vague : genre, sous-genre, registre ; type de texte, type de discours ; intertexte, hypotexte, métatexte ; terminologies spécifiques à la prosodie, à la narratologie, au langage dramatique et à la dramaturgie ; rhétorique et figures de style mises en œuvre. Mais, si caractériser le texte est un premier pas essentiel vers l’interprétation, cela ne suffit pas pour montrer que toute page de littérature est en quelque sorte unique et possède un ADN propre ; c’est dans la volonté de saisir l’originalité du texte à partir des éléments précédents que les candidats peuvent réussir leur épreuve : l’écriture, le choix et la combinaison des procédés, le respect ou la transgression de règles disent toujours quelque chose de concret : un moment de bonheur, une souffrance, une revendication politique, une discordance, bref de l’expérience humaine.
Or, l'explication du texte n’aboutit à cette élucidation que via le texte ; c’est ainsi que l’on parlera d’interprétations étayées et non d’impressions vagues ou de supputations non fondées ; c’est ainsi également que l’expérience humaine devient à rebours enjeu d’écriture voire gageure. On attend des candidats qu’ils parlent de cet enjeu d’écriture et non de la vie qui suit son cours. Toutes les scènes de rencontre amoureuse (topos récurrent de la littérature étudié par Jean Rousset dans son ouvrage critique Leurs yeux se rencontrèrent) ne procèdent pas de la même manière et surtout des mêmes moyens d’écriture. La session 2015 en a décliné de nombreuses variantes, d’une commission à l’autre, entre La Princesse de Clèves (Mme de La Fayette), Les Confessions (Rousseau), Le Rouge et le Noir (Stendhal), les Illusions perdues (Balzac), Aurélien (Aragon) ou Belle du Seigneur (Cohen), sans pour autant que la liste ne soit exhaustive ; les candidats doivent se préparer à ce type de texte bien précis. Bref, si telle page de la littérature française a été proposée c’est qu’elle n’est pas un texte ordinaire ; c’est déjà un texte littéraire, et il faut le montrer ; c’est enfin un texte à nul autre pareil, et le montrer constitue le point d’orgue de la démarche d’explication.
L’étude stylistique
Les rapports de jury insistent toujours plus, au fil des années, sur le fait que les candidats ne travaillent pas assez la dimension stylistique des textes. S’il s’agit bien de tendre vers la signification – en particulier contemporaine – qui peut être donnée d’un texte, pour la mettre en relation avec le sens qu’il semble avoir eu pour son auteur ou pour son époque, entre littéralisation et démarche herméneutique, les candidats doivent y arriver non pas au terme d’une sorte de prémonition d’ordre intuitif, mais par une démonstration comparable à un travail d’horlogerie ou de marquetterie : seules les microlectures peuvent fonder un discours d’ensemble garanti.
Il ne faut pas confondre ce travail d’élucidation avec le simple dripping de remarques accumulées au fil des mots voire avec le name dropping brut de tous les tropes existants, des termes-clés du vocabulaire narratologique, des notions relevant de terminologies linguistiques complexes ou des couleurs sonores que peuvent avoir les voyelles et les consonnes ; toutes ces remarques formelles ne sont pertinentes que si elles se transforment en analyses et conduisent à des unités de sens d’abord, pour converger ensuite vers une sorte de polysystème – celui-là même qui a été annoncé par la problématique ; elle permettent de montrer comment l’auteur, parti du langage, via le style trouve son écriture.
Ainsi, un candidat qui s’est proposé d’étudier « la tension constante qu’il y a entre le langage et la chose » dans « L’Huître » de Ponge fait une étude stylistique très fine du poème, de sa dimension poétique à sa valeur métapoétique ; une autre candidate a élevé son explication à un niveau d’excellence en étant soucieuse de travailler sur la concaténation des répliques jusque dans le langage vide de sens de Vladimir et d’Estragon (Beckett, En attendant Godot), là où beaucoup d’autres s’appuient sur l’incohérence du discours pour rester à la surface du texte et, par exemple, ne comprennent pas le sens des répliques « Didi ! » ou « Gogo ! » et y voient des interjections.
La correction du discours
Si la maîtrise de la langue est déjà fragile dans la lecture du texte, comme on l’a vu, ainsi que dans le discours général du candidat, que dire des éclats en tout genre qui émaillent l’explication même : liaisons entre les mots (le proliférant « *va-t-être »), erreurs de genre (« *une éloge » ou « *un hypallage »), déformation des mots (« *synecdote »), confusions entre des mots (« apologue » et « apologie », « prosaïque » et « quotidien », « cosmopolitisme » et « globalisation », « moraliste » et « moralisateur »), défauts de construction (« *rapprocher à »), mauvaise utilisation des mots (« péroraison » pour un début de discours), création de mots (« *alternation » pour « alternance », « *désuétitude » pour « désuétude », « *ironiste » pour « ironique », « *harmoniosité » pour « harmonie »). Rappelons que les candidats disposent de dictionnaires pendant leurs trois heures de préparation (Littré, Robert 1 et Robert 2) ; cela devrait leur permettre de procéder à quelques vérifications.
La conclusion
Enfin – mais en évitant le très-à-la-mode « au final » –, une explication de texte ne saurait se terminer sans une conclusion pesée et mesurée, en cohérence avec l’analyse détaillée qui a précédé et apportant des réponses aux questions posées lors de la problématisation de l’explication ; elle correspond au moment où le gymnaste ou le patineur doivent stabiliser au sol ou sur la glace leur mouvement après avoir multiplié les figures, les enchaînements et les sauts : cela demande de l’impeccable. Le détissage du texte a produit le tissage d’une explication dont le dernier moment, la conclusion, donne toute sa cohérence au texte.
Mais la conclusion ne se fige pas non plus définitivement dans une sorte d’immobilité ; pour cela, après avoir sacrifié aux règles d’un exercice demandant de travailler prioritairement dans l’intratextualité, les candidats doivent penser à ouvrir un horizon de lecture du texte dans une dimension plus large – historique, philosophique, esthétique, culturelle. Ainsi, un candidat élargit son étude du sonnet 12 des Regrets de Du Bellay en évoquant la rivalité poétique entre Ronsard et Du Bellay, l’un jouissant des faveurs de la Cour de France, l’autre se sentant exilé à Rome ; tel autre termine son étude du poème « L’Huître » en l’ouvrant sur la poétique pongienne du Parti pris des choses, à partir de « Introduction au galet » de Proêmes, et en reliant celle-ci à la « métaphore vive » de Ricoeur ; tel autre encore montre, à la lumière des analyses de Pierre Nora sur l’Histoire, comment l’extrait du Roman inachevé d’Aragon évoquant le réseau Manouchian et l’Affiche rouge fait du poème un « lieu de mémoire » audelà d’une simple complainte.
Le document iconographique
Dans le domaine de l’étude du document iconographique, une grande marge de progression est attendue par le jury. Si rares ont été les candidats qui n’ont pas d’eux-mêmes commenté le document iconographique et se sont donc vu rappeler que cela faisait partie de l’épreuve, principalement lors de l’entretien, trop de candidats se contentent d’établir rapidement un lien simplement illustratif sans faire rentrer en résonance l’image et le texte ; lorsque la gravure érotique proposée parallèlement au portrait de George Duroy, dans l’incipit de Bel-Ami, montre un soldat à cheval semblant arracher aux bras des siens une fille de vertu légère, la langue française fournit un lien qui permet de dépasser le simple constat que le texte et la gravure présentent une figure de hussard : l’expression « à la hussarde » ; une candidate l’a fort bien trouvée et commentée. De même, la confrontation entre le poème d’Alcools « Marizibill » et une photographie de Marlène Dietrich dans l’Ange bleu était l’occasion d’opposer deux figures de prostituées plus ou moins fatales. Telle candidate ne voit pas que la photographie d’une huître perlière dite Akoya ne montre que les éléments esthétiquement beaux (la nacre de la coquille et la perle) mais pas le mollusque déprécié par Ponge dans le poème « L’Huître » ; il n’y avait là aucune clé culturelle complexe, il fallait seulement analyser l’image en regard du texte.
C’est bien pour favoriser ce dialogue entre deux langages différents, au lieu d’aboutir à une tautologie, que les deux éléments – texte et image – sont souvent empruntés à des époques différentes voire à des contextes radicalement surprenants dans leur mise en parallèle ; ce fut le cas pour un extrait des Essais de Montaigne (I, 12) sur le vertige et la célèbre photographie attribuée à Charles Clyde Ebbets Lunch atop a Skycrapper (1932). Le candidat doit aborder la relation entre le texte et la force d’appoint que constitue le document iconographique d’une manière stimulante : la simple description ne peut l’être ; en revanche, l’image fournie – quelle que soit sa nature et/ou son époque – doit permettre d’éclairer la lecture du texte : le vertige n’est-il pas une illusion comme le montre Montaigne, puisque les ouvriers qui travaillent sur une poutre métallique à Manhattan n’y sont pas sujets ? En ce sens, les candidats qui ont le souci d’accorder un soin particulier à l’étude du document iconographique y trouvent bien souvent la clé de l’interprétation du texte et sont ainsi récompensés de leur effort.
Néanmoins, même lorsque les candidats font cet effort de créer un dialogue entre texte et image, apparaissent souvent les approximations et tout simplement les ignorances en matière de contextes culturels et de codes esthétiques. Une candidate, faute probablement de connaître le théâtre de Ionesco, ne peut faire dialoguer un extrait d’Ubu roi de Jarry et une image montrant Michel Bouquet dans une représentation de Le Roi se meurt. L’étude du document iconographique en lui-même – avant toute confrontation avec le texte – doit s’appuyer, comme celle du texte, sur le rapport entre une forme et un sens ; le même processus est invariable : constat d’abord, interprétation ensuite ; constat sur l’objet et sur son écriture envisagés ensemble, puis interprétation de leur relation dans le sens d’une harmonie ou d’une discordance, avec un va-et-vient constructif entre les deux étapes. L’opération se fait d’ailleurs trois fois, sur le texte d’abord, puis sur l’image et enfin sur le rapport à établir entre le texte et l’image. Au lieu de cela, une candidate part du titre du document iconographique « Chat huant devant les ruines du Château de Vianden » (dessin de Victor Hugo, 1863) pour établir un lien délirant entre le chat (et non la chouette hulotte) et les Chât-iments à propos d’un poème des Contemplations, « Pauca meae » !
Comme on le voit, cette partie de l’épreuve n’est pas – contrairement à l’idée que s’en fait une candidate disant que « les élèves aiment bien les illustrations dans les manuels » – un gadget décoratif ayant pour finalité d’égayer le dossier, donc un élément divertissant ; loin de détourner du texte, l’image y ramène comme si elle en était une parabole ou un symbole voire un commentaire indirect. Dès lors, les candidats ne peuvent se contenter d’une description plate de l’image sans chercher à comprendre ce qu’elle exprime, allégorise ou caricature ; les informations fournies dans la légende sont très souvent importantes, de même que le titre, et l’image, lorsqu’elle est comprise, peut être mise en relation intelligemment avec le texte et l’éclairer à son tour. D’ailleurs, le moment où les candidats choisissent de commenter l’image et de la relier au texte est du plus grand intérêt ; il y a toute latitude de le faire dès l’introduction, si l’image permet de contextualiser le texte, ou dans la phase conclusive, si l’image rejoint ou éclaire le bilan de l’explication ; mais c’est souvent au détour d’une phrase du texte que surgit le commentaire le plus fin sur l’image, prouvant que les candidats ne superposent pas globalement texte et image mais articulent l’un et l’autre à un point nodal du texte.
Ainsi, un candidat analyse finement le lien existant entre une gravure tirée des Caprices de Goya et un texte de Montaigne : la hantise de l’imagination et ses proliférations monstrueuses ; une autre montre comment et esquisse pourquoi la mise en scène de En attendant Godot par Patrick Reynard transforme Vladimir et Estragon en « squelettes de primates du Museum d’Histoire naturelle », mais l’un portant un chapeau et l’autre ayant une chaussure au pied ; en revanche, tel autre candidat n’a pas compris que, dans la photographie extraite de la mise en scène de Lorenzaccio par Jean-Pierre Vincent (2000), en revêtant Lorenzo d’une robe de mariée, le metteur en scène explicitait le motif des « noces de sang » présent dans le texte et conduisait à s’interroger sur le sens de l’acte de Lorenzo ; d’autres candidats n’ont pas été sensibles à l’humour d’un dessin satirique montrant des vaches faisant le petit train en disant « tchou ! tchou ! » pour distraire les passagers d’un train en panne en rase campagne : le train devient « un train-fantôme » et les vaches « font la chenille » ! À partir de là, il est difficile de commenter le lien entre l’image et le « Dormez, les vaches… » adressé par l’instance poétique verlainienne depuis le wagon de son train qui file à travers le paysage belge, dans « Malines » des Romances sans paroles.
À côté de l’espace de relative contrainte que suppose l’explication de texte, l’étude du document iconographique doit être perçue par les candidats comme un lieu ouvert et intellectuellement stimulant leur permettant de montrer d’autres qualités peut-être moins académiques, même si l’imaginaire a ses limites.
De l’exposé à l’entretien
Les deux objets que constituent l’explication de texte et l’étude du document iconographique ayant fait l’objet de ces nécessaires mises à plat, il convient de considérer l’ensemble de cette partie de l’épreuve ; les présidents de commission rappellent à tous les candidats qu’ils s’efforceront de ne pas dépasser 25 à 30 minutes afin de disposer de 10 à 15 minutes pour la question de grammaire. Or, beaucoup de candidats terminent cette partie de l’épreuve en 15 à 20 minutes sans exploiter le temps dont ils disposent pour faire une explication du texte et une étude du document iconographique fouillées. Faut-il pour autant faire durer par de la paraphrase ou par un débit très lent un propos qui va occuper les 30 minutes ? Évidemment non. Il faut comprendre qu’expliquer un texte – même un sonnet de 14 vers – nécessite bien 25 minutes et que – mais ce n’est plus l’objet de notre rapport – traiter la question de grammaire de façon complète demande également entre 10 et 15 minutes. Autrement dit, 25 minutes pour l’explication du texte et l’étude du document iconographique, c’est un format impératif en-dessous duquel on ne saurait tomber sans perdre en pertinence.
Puis vient le temps de l’entretien. Rappelons quel est son enjeu : une note-plancher est posée dans le moment où les candidats sortent – entre l’exposé théoriquement de 40 minutes et l’entretien d’un maximum de 20 minutes. L’entretien ne peut donc qu’apporter des points ! Pour cette raison, le jury fournit aux candidats des occasions multiples de corriger des erreurs, de nuancer des analyses, de compléter des commentaires un peu rapides, de mieux caractériser le texte… et d’établir un meilleur rapprochement entre le texte et le document iconographique pour une vraie lecture croisée des deux supports.
Certains candidats savent relancer la dynamique de leur exposé – ou lui en donner une… quoique tardivement mais il n’est jamais trop tard pour se corriger –, en écoutant les questions, en pesant les mots qui ont été utilisés, en réfléchissant aux allusions parfois à peine voilées à des références pouvant faciliter une meilleure lecture, dans une réponse construite énumérant des preuves retrouvées dans le texte et dans un raisonnement progressif et abouti ; néanmoins, beaucoup de candidats ne réussissent pas à pousser plus loin leur analyse, voire s’entêtent à répéter leurs erreurs dans une cécité parfois inquiétante.
Que les candidats suivent ce conseil : toute question posée dans l’entretien est une invitation pressante à retourner au texte et non à développer des fiches ou des généralités sujettes aux déformations dans l’émotion de l’instant ; il s’agit de bien écouter et de ne pas faire répéter la question, de mesurer la question sans tarder à répondre, de ne pas revenir à ses notes mais de faire preuve de spontanéité, de ne pas oublier le texte ou l’image dont il est question, de ne pas fuir l’échange… d’être soi comme un professeur doit l’être devant ses élèves après avoir assimilé les codes de sa fonction, à la fois concentré et disponible ; il sera tantôt celui qui pose les questions tantôt celui qui devra répondre à celles de ses élèves ; il ne sera jamais seul à parler et il devra même canaliser le flux des questions qu’on lui pose, montrant plus une aptitude à retourner et à relancer qu’à envoyer et à distribuer.
Le rapport 2014 dont nous prenons le relais cette année a dressé une analyse précise des enjeux de l’entretien : sa vocation à rectifier, enrichir, corriger, affiner, préciser, prolonger, revisiter, reformuler, compléter… voire renverser des termes de l’exposé. Le jury développe une maïeutique dont les candidats savent ou non profiter ; certains gagnent ainsi des points substantiels, d’autres vont y chercher le 20/20 qu’ils méritent, personne ne doit sa note basse ou médiocre à l’entretien mais à l’exposé initial que l’entretien n’a pu sauver.
Bilan
Le rapport de jury n’a pas pour finalité première de s’entreféliciter sur les bonnes et très bonnes voire excellentes prestations entendues. Il a une fonction avant tout didactique et doit apprendre aux candidats quelles erreurs ils ne doivent pas ou plus commettre ; de là vient que ce sont plutôt les candidats faibles ou médiocres qui peuvent s’y reconnaître ; puissent-ils trouver dans ce rapport le miroir dans lequel ils voudront bien se corriger ! Cependant, il faut dire combien les quatorze commissions d’oral – donc les cinquante-six interrogateurs – de cette épreuve ont pu se réjouir d’entendre des explications brillantes qui justifient les notes maximales (20/20) qui ont été attribuées tous les jours et non de temps à autre. Il y a donc d’excellents candidats, qui comprennent ce qu’est la littérature et qui savent transmettre à leur auditoire ce qui devient pendant le temps de l’épreuve la manifestation du goût qu’ils ont pour la littérature et, plus largement, pour toutes les expressions d’ordre artistique ; il n’est pas exagéré de dire que nous avons entendu des candidats prenant un réel plaisir à dire ce qu’ils avaient compris de textes et d’images capables de laisser d’autres candidats totalement insensibles.
Parfois ce fut sur des textes faussement faciles, parfois sur des textes plus difficiles si l’on n’en détenait pas les clés historiques, génériques ou poétiques, le plus souvent sur des pages que l’on pourrait qualifier de typiques du roman, de la poésie, du théâtre ou de l’essai. Un candidat a su aborder « Rhénane d’automne », dans le recueil Alcools d’Apollinaire, en faisant ressortir « l’originalité de son ton poétique et son caractère de dialogue avec les morts », en tirant parti de la fresque médiévale de danse macabre (XVè siècle) qui lui était proposée en document iconographique pour « mettre en perspective la représentation de la mort chez le poète dans l’imaginaire occidental et lui donner une portée presque anthropologique ». Telle autre candidate, s’appuyant sur sa compétence de latiniste et sa connaissance des langues et cultures antiques, a montré comment Montaigne, dans le chapitre « De l’oisiveté » (Essais, I, 8), se livrait à un exercice d’explication et de justification du mode d’écriture des Essais, commentant au même titre les images du texte en moyen français et celles des vers latins de Virgile qui s’y trouvaient insérés.
Retenons donc de cette session 2015 ces moments relativement quotidiens où des candidats ont montré que le haut niveau des études littéraires ne baissait pas au CAPES de lettres ; certes il y a eu des candidats dont le travail catastrophique a entraîné des notes sans appel ; mais, globalement, la plupart des candidats ont produit un travail honnête contribuant à leur admission ; et il y a eu les multiples témoignages de ce à quoi ressemble la relation critique : à la compétence littéraire et à la culture qui s’acquièrent dans les livres s’ajoute une sensibilité personnelle qui se développe à leur contact ; ces candidats seront des professeurs passionnants pour leurs élèves et ils entretiendront eux-mêmes, à coup sûr, par des travaux personnels, la science du littéraire.
ÉPREUVE DE MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE
QUESTION DE GRAMMAIRE
Rapport présenté par Joël July
La première épreuve orale comprend, à côté de l’explication du texte littéraire proposé dans le dossier, une question de grammaire qui appelle un exposé organisé commentant les occurrences de tout ou partie du texte, et appuyé sur un « document grammatical ».
La question de grammaire elle-même a été mise en place à la session 2011 et les étudiants qui voudront de plus amples informations sur ses modalités et les conseils qu’elle a suggérés consulteront avantageusement les rapports de Gérard Petit (session 2011), de David Zemmour (session 2012) de Xavier-Laurent Salvador (session 2013) ou de Michel Gramain (session 2014 exceptionnelle)[1]. Depuis l’an dernier, il est adjoint au dossier un document grammatical (partie de leçon, suite d’exercices…) dont l’exposé doit tenir et rendre compte : le généreux rapport du jury de l’an dernier, rédigé par Morgane Guyvarc’h (session 2014 « ordinaire »[2]) développe particulièrement les enjeux de ce document d’accompagnement et les différentes options qui s’offrent aux candidats pour l’exploiter. C’est à ce rapport que les futurs candidats se reporteront prioritairement.
Ces rappels d’autres sources à la disposition des étudiants permettront d’aiguiller ce rapport-ci sur les constats et les préconisations les plus ancrés dans l’expérience de la session 2015. Je me permettrai donc, de manière succincte, de renvoyer les candidats à mes prédécesseurs (ou de les citer) pour mieux orienter les quatre remarques qui suivront à partir de la concertation collective à laquelle les membres du jury de cette session ont bien voulu contribuer : qu’ils en soient ici vivement remerciés.
REMARQUE 1 : PRENDRE SON TEMPS OU EN GARDER
L’exposé grammatical du candidat – auquel il est sage de consacrer un bon quart du temps de préparation total de l’épreuve, soit 45 minutes –, bénéficie d’environ 10 minutes (il peut en toute légalité tenir jusqu’à 15 minutes dans la limite infranchissable de 40 minutes pour l’ensemble de la première partie de l’épreuve de Mise en Situation Professionnelle). À l’aide du document pédagogique, de nombreux candidats atteignent cette moyenne de 10 minutes mais, souvent pressés par une explication littéraire volumineuse, hésitante ou molle, il leur faut accélérer la cadence, précipiter l’analyse grammaticale, lire à toute vitesse leurs notes, négliger certaines occurrences[3]. Alors qu’ils ont parfois gâché un temps précieux dans une contextualisation excessive de l’extrait littéraire ou surtout dans une paraphrase ennuyeuse de chaque énoncé, ils oublient de fournir à leur commission (les trois membres du jury qui leur font face) des informations fondamentales. Et même lorsqu’il leur reste du temps, ce qui est heureusement souvent le cas, on remarque une tendance à l’accélération et à la nervosité lorsqu’est abordée la question de grammaire. Il convient, par exemple, de systématiquement indiquer la ligne ou le vers où figure l’occurrence citée (et d’avoir soi-même annoté sa photocopie au cas, rare, où le dossier n’aurait pas proposé lui-même une numérotation des lignes ou vers). Souvent, pendant l’entretien, le jury reviendra sur une occurrence écartée qui figurait en fait dans le brouillon du candidat, ou sur un cas difficile pour lequel celui-ci dira s’être effectivement interrogé... Deux conseils pour remédier à ce problème[4] :
- Commencer l’épreuve de MSP par l’exposé grammatical aurait l’avantage de limiter cette précipitation (actuellement seulement un candidat sur 20 ou 25 procède de la sorte), de rendre possible une transition stylistique de la langue vers la littérature lorsque la notion grammaticale s’y prête, de ménager éventuellement au candidat lors de l’explication de texte un appui sur les aspects linguistiques déjà dégagés. Il ne s’agit pas d’en faire un impératif et on rappellera que si le candidat choisit de commencer par l’exposé grammatical, il lui faut d’abord lire l’intégralité du texte (tout comme la lecture du texte doit précéder l’explication littéraire). Il doit aussi garder à l’esprit que son exposé est attendu sur le terrain de la linguistique et que cette position liminaire de la partie grammaticale ne l’autorise pas à se satisfaire d’une analyse imprécise ou impressionniste, ni d’une analyse stylistique (celle-ci ne peut germer qu’en conclusion de l’exposé, bienvenue alors[5]).
- Si le candidat ne veut pas mener son exposé grammatical trop rapidement, il doit savoir choisir et doser parmi les occurrences lesquelles méritent un développement, des manipulations, et lesquelles peuvent être regroupées et associées dans un ensemble plus général : c’est la question cruciale du plan sur laquelle les rapports précédents se sont déjà penchés (Guyvarc’h, Rapport 2014, p.141-142). C’est aussi le problème de l’exploitation du document pédagogique qui fera l’objet de notre seconde remarque : tout n’est certainement pas à commenter de la page de manuel (ou autre) fournie, soit que certaines remarques ne concernent pas la notion ciblée par le libellé, soit qu’elles entrent dans une simplification scolaire ; auquel cas mieux vaut se consacrer à l’analyse du corpus. Les exposés grammaticaux qui ont pris trop de temps ou en ont manqué sont ceux qui n’ont pas su faire ces choix ou ont préféré la facilité d’une simple description.
REMARQUE 2 : NE PAS RENDRE L’EXPOSÉ SOLUBLE DANS LE COMMENTAIRE DU DOCUMENT
L’attente du jury porte prioritairement sur une analyse fine de la notion grammaticale proposée par l’intitulé de la question, et sur le relevé exhaustif et le commentaire des formes de l’extrait qui s’y rattachent, que le candidat retienne ou non (après analyse) ces formes identifiées. L’exploitation du document grammatical fait aussi partie des attendus dans la mesure où sont identifiés son statut et son rapport à la question posée. L’examen du document a pu ou pourra ainsi être utilement intégré à la réflexion du candidat, le garantir d’erreurs graves, lui fournir des cas typiques que le corpus du texte littéraire ne présentait pas, lui rappeler des occurrences omises à la première lecture du texte littéraire – et enrichir son analyse d’un point de vue didactique.
Il y a néanmoins des écueils à éviter absolument[6] :
Certains candidats ne traitent que le document, en exécutent naïvement les exercices, les commentent abondamment – mais oublient le corpus du texte ou se croient autorisés à le négliger.
De même, certains se trompent d’épreuve et construisent leur exposé sur une analyse critique de la page, l’étudiant pour lui-même au détriment de leur échantillon. Ils en proposent un mode d’emploi, le complètent, le modifient... Il est inutile de décrire le document grammatical, exercice par exercice. Il n’est de même pas nécessaire de simuler une situation pédagogique en lieu et place d’une analyse grammaticale rigoureuse.
Le sujet à traiter est celui indiqué sur le bordereau – dans le libellé de la « Question de grammaire » –, et non le titre qui peut apparaître sur le document grammatical photocopié. Quelques candidats traitent les occurrences du texte à partir du document pédagogique, qui ne devrait pourtant pas déterminer le relevé : ainsi, pour une question sur l’attribut, telle candidate n’a relevé que ce qu’elle pensait être des attributs du COD, puisque c’était là le titre du document. Dans une autre commission, un candidat a traité du seul « complément du nom » (s’étonnant de ne trouver que deux occurrences dans le texte d’étude), s’en tenant ainsi au titre du document grammatical, là où la question de grammaire était : les expansions du nom. Le support adjoint n’est qu’un document « en rapport avec » la question à traiter, qui évoque souvent partiellement la notion, dont il ne faut surtout pas restreindre l’étendue au point traité par le document (ni à son point de vue). Les candidats n’ont pas à déplorer ou à s’étonner que le document grammatical ne porte pas exactement sur la question de grammaire : celui-ci est donné en appui au traitement de celle-là, comme une bonne lecture du libellé de la question de grammaire suffit à le montrer (« Votre exposé s’appuiera sur le document 2 [grammatical] »).
Certains candidats aux connaissances trop fragiles n’auront pas perçu non plus que ces pages de manuel pouvaient contenir des approximations voire des inexactitudes qui devaient susciter un examen critique plus qu’une lecture « au premier degré », hélas trop fréquente. Ainsi, tous les candidats d’une même demi-journée voient dans le document qui porte sur les périphrases verbales que le semi-auxiliaire est « conjugué » et aucun n’identifie de périphrase dans l’occurrence faire pencher. Il s’agit de comprendre que ce document constitue un matériau pour leur réflexion et leur analyse, et pas seulement un aide-mémoire ou une antisèche.
Il faut donc utiliser habilement et avec discernement le document [7] : c’est-à-dire parcimonieusement, sans le faire avec exagération ni en en profitant comme d’une aubaine qui relègue les difficultés du texte ; c’est-à-dire sans le faire non plus seulement en conclusion de l’exposé, soit pour l’admirer soit pour le critiquer.
REMARQUE 3 : NE PAS FAIRE LA MEME BOURDE QUE LE CONCURRENT
Il fut très net de 2011 à 2013 que l’évolution des disciplines évaluées par le CAPES de Lettres à l’écrit et à l’oral et le jeu des coefficients avaient accordé plus de valeur aux analyses de langue ; une formation universitaire renforcée ou mieux adaptée, une préparation des candidats bien renseignée avaient donné aux jurys précédents de grandes satisfactions.
Le constat semble plus mitigé depuis 2014. La moyenne des évaluations de la question de grammaire, comptant pour un quart de la note totale obtenue à l’épreuve de MSP, est d’un niveau analogue à la moyenne des notes obtenues pour la partie d’explication de texte : c’est grâce à des performances honorables, en assez grand nombre, qui méritent souvent une note supérieure à 13. L’écart se creuse en fait entre les étudiants qui ont montré leurs compétences et d’autres qui méconnaissent entièrement les principes fondamentaux et sont relégués dans des franges inférieures à 06/20 pour l’exposé grammatical : signalons le cas décevant d’une étudiante qui obtient 20 sur 20 pour l’explication d’un texte d’André Gide puis reste quasi muette (et ne récolte que 01 sur 20) pour l’analyse des propositions subordonnées sur douze lignes d’un texte qu’elle a si bien compris (ensemble qui lui fera obtenir seulement 15,25 à l’épreuve de MSP).
Trop de candidats achoppent encore surles identifications simples des natures et fonctions, confusions rédhibitoires pour le jury, ou perdent leurs moyens devant des énoncés à peine moins canoniques qu’une phrase de manuel scolaire, jusqu’à faire douter leur commission du sérieux de leur préparation. Rien ne vaut un parcours universitaire aussi complet que les éventuelles réorientations l’ont rendu possible, une réflexion continue sur les phénomènes de langue, une fréquentation régulière des ouvrages universitaires de grammaire[8] : pour autant, l’impression désagréable des jurys 2014 et 2015 vient surtout d’erreurs bêtes et redondantes qui gâchent les prestations médiocres (évaluées entre 07 et 11) et c’est à ces étudiants très hésitants aux connaissances fragiles que je voudrais proposer une liste précise de points particuliers qui font systématiquement problème (et pour lesquels je puiserai aussi bien dans les constatations de mes collègues du jury 2015 que dans les rapports précédents).
Le mode actuel d’interrogation par les commissions fait se succéder sur un même dossier (et donc sur une même question grammaticale) plusieurs candidats : cette succession de performances diverses permet au jury de mieux les comparer, de mieux appréhender les difficultés particulières que son dossier mettait en jeu (et de relativiser son échelle de notation à partir de ces difficultés caractéristiques) mais aussi de se lasser de certaines erreurs traditionnelles, réitérées et de plus en plus inacceptables d’un candidat à l’autre. On pourrait presque déterminer quelques bourdes à éviter pour se démarquer des concurrents. Le CAPES est un concours et il ne faut parfois pas grand chose pour satisfaire une commission à bout de souffle ou en perte d’espoir. Un rien (dont on rappellera la nature de pronom indéfini, substantivé ici) permet peut-être de gagner beaucoup (dont on rappellera la nature d’adverbe, impliqué dans des locutions déterminatives, pronominalisé ici par l’ellipse). J’invite donc les candidats à se pencher sur les 10 points suivants, à vérifier en son for intérieur et en toute sincérité son aptitude à envisager ou à traiter ces questions, à résoudre les problèmes qu’elles posent :
1) POSSESSIF : différence entre le déterminant possessif (mon, devant un nom, dans le groupe nominal) et le pronom possessif (le mien, à la place d’un groupe nominal). Mettre en relation cette différence avec la définition de chacune de ces catégories grammaticales et comprendre le système morphosyntaxique à partir des adjectifs possessifs (terminologie impropre pour le français moderne) qui appartiennent à un ancien système de la langue. « On évitera encore de mettre en débat des termes dont l’usage semble désormais stabilisé : ainsi les déterminants ne sont pas des adjectifs pour la simple et bonne raison que le déterminant possessif son dans « son chien » est inamovible alors que l’adjectif possessif mio dans (it.) « il mio cane » ou mien dans (fr.) « le mien ami », lui, l’est » (Salvador, Rapport 2013, p.86).
2) EXCLAMATIF : dans les types de phrase, comprendre que l’exclamation, lorsqu’elle ne bénéficie pas d’un adverbe ou d’un déterminant exclamatifs, n’est pas un type exclusif au même titre que l’assertion, l’interrogation ou l’injonction ; c’est-à-dire qu’elle peut ne pas utiliser de marques morphologiques prouvant son intention, elle peut se combiner et se confondre, sauf l’intonation, avec ces autres types. Il faut donc la traiter à part et comprendre le sens de cet aparté.
3) PARTICIPE PRESENT : ne pas oublier qu’il existe une forme composée (ayant charmé) qui ne doit pas être confondue avec le participe passé ; et que celui-ci, employé seul et en fonction adjectivale, a une valeur passive lorsque le verbe est transitif direct (un auditoire charmé) (GMF, p.594). Ne pas oublier non plus que le participe présent en position détachée (lorsqu’il n’a pas de « sujet » ou « contrôleur » propre et ne sert pas de noyau à une proposition subordonnée participiale) est incident à un élément nominal ou pronominal de la phrase, élégamment le sujet en français moderne, et qu’à ce titre il fonctionne comme un adjectif apposé et a donc la même fonction appositive. En revanche, précédé de la préposition en, ce participe présent est un gérondif qui complète un verbe ou une phrase : syntaxiquement c’est un complément circonstanciel, sémantiquement il introduit une circonstance dans le procès.
4) ARTICLE PARTITIF : cette catégorie élémentaire est à réinvestir car elle entraîne des erreurs fréquentes : des candidats confondent le de inclus dans une locution ou une forme synthétique qui sert de déterminant (servir de la bière, boire du vin : de la et du sont articles partitifs dans ces GN COD), avec un de préposition qui introduirait un complément indirect ; se rappeler qu’il faut toujours revenir à la construction typique du verbe pour identifier un complément (construction qui peut varier avec le sémantisme du verbe : servir quelque chose = « l’apporter, le proposer », servir de quelque chose = « en faire office »). Et ce conseil s’avère également précieux pour traiter une question comme les constructions verbales (voir ici même le rapport de l’épreuve écrite de grammaire).
5) INTERROGATION : l’intonation n’y est pas toujours ascendante. Ce n’est pas le cas des interrogations partielles dont le ton est le plus élevé seulement sur le mot interrogatif (ou jusqu’au dernier mot du groupe nominal qui le contient si le mot interrogatif est un déterminant quel(le)(s)), pour descendre ensuite tout au long de la phrase, jusqu’au point d’interrogation. On retrouve l’intonation ascendante lorsque le mot interrogatif est placé en fin de phrase (comparer Quel sujet avez-vous tiré ? et Vous avez tiré quel sujet ?)
6) PASSIF : des candidats identifient à tort des tournures comme tu es bien mal reconnu de tes soins ou il est appelé comme des « passés composés (actifs) » ; de même semble disparue des mémoires la fonction de complément d’agent, si fréquente aussi lorsque le participe passé – passif – est employé comme adjectif (des enfants fascinés par ce spectacle).
7) DISCOURS RAPPORTÉS : cette question, généralement rattachée aux programmes des lycées, est trop souvent traitée sur le plan sémantique ou, au mieux, stylistique, mais rarement dans sa dimension syntaxique et énonciative, dimension pourtant attendue par le jury (marques de la subordination et de l’énonciation, concordance des temps, situation d’énonciation, etc.). Les candidats négligent le discours narrativisé. Ils ont du mal à comprendre combien les systèmes peuvent être fluides et se succéder voire se superposer par l’insertion inattendue de tournures orales dans du discours indirect (pourtant émanant de la parole narratoriale) : « Mais Coupeau se fâcha et servit un haut de cuisse à Virginie, criant que, tonnerre de Dieu ! si elle ne le décrottait pas, elle n’était pas une femme. » (Zola, L’Assommoir, chap.7) : se fâcher implique un discours narrativisé qui s’explicite à partir du subordonnant que en discours indirect, parasité par un îlot textuel impliquant avec ambiguïté la parlure du personnage Coupeau, tonnerre de Dieu !
8) SUBORDONNÉE RELATIVE : il s’agit de la nature de la proposition et il ne faut pas oublier que la grammaire traditionnelle lui accorde, quand elle est adjective (et donc possède un antécédent), une seule fonction aussi peu compliquée à retenir que complément de l’antécédent (ce dernier doit toujours être identifié soigneusement dans la proposition qui enchâsse la subordonnée relative). Beaucoup de candidats accordent à la subordonnée relative la fonction qui est en fait celle du pronom relatif à l’intérieur de la subordonnée. Même confusion à l’œuvre pour identifier la fonction des relatives à fonctionnement nominal :
- Qui trop embrasse mal étreint : qui pronom relatif est sujet du verbe embrasser dans la subordonnée ; Qui trop embrasse est une proposition subordonnée relative nominale sans antécédent (dite substantive indéfinie, GMF, p.816-817) et sa fonction est sujet du verbe étreindre.
- Je veux revoir celle qui m’embrasse tant : qui pronom relatif est toujours sujet du verbe embrasser, la subordonnée relative qui m’embrasse tant est complément de l’antécédent – pronom démonstratif – celle ; ici, on peut considérer globalement celle qui m’embrasse tant comme une subordonnée relative périphrastique (ici COD de revoir) (GMF, p.814-815).
9) SYSTÈMES CORRÉLATIFS : phénomène très méconnu de beaucoup de candidats alors qu’il apparaît dans bon nombre de propositions aux rapports sémantiques puissants avec la proposition principale (systèmes comparatifs, consécutifs, notamment mais pas seulement ; voir GMF, p.863-870). La proposition subordonnée y dispose d’un ancrage dans la principale (ou toute autre subordonnée dans laquelle elle serait enchâssée) : aussi Adj que P ; si Adj/Adv que P ; etc.
10) QUE : que subordonnant(pronom relatif, conjonction de subordination simple, conjonction de subordination en corrélation – voir point précédent –, ou élément de conjonction de subordination complexe : alors que, si bien que…) est à distinguer du que exceptif (au sein de la locution ne...que...) : celui-ci n’est pas interprétable comme relatif ni comme conjonction de subordination, mais comme adverbe (à distinguer aussi du cas, mieux repéré, de la « béquille » du subjonctif que les candidats bizarrement identifient mieux voire trop, la catachrèse jouant comme moyen mnémotechnique).
REMARQUE 4 : NE PAS BAISSER LES BRAS OU LE NEZ LORS DE L’ENTRETIEN
Je tiens pour finir à insister sur quelques aspects pratiques touchant la seconde partie de l’épreuve de MSP, qui pourraient améliorer les performances comme le ressenti des candidats pour la prochaine session.
L’entretien de l’épreuve de MSP, qui ne peut pas dépasser vingt minutes, revient nécessairement sur l’exposé grammatical, auquel sont consacrées jusqu’à cinq minutes qui permettent aux membres de la commission de poser deux ou trois questions de grammaire au candidat . Fréquemment, ce temps précieux est gaspillé par un étudiant qui baisse le nez et les bras. Qu’il baisse les yeux à nouveau sur le texte, qu’il se donne le temps de la réflexion et manipule mentalement l’énoncé seront une bonne preuve d’intelligence pour le jury ; qu’en revanche le candidat refuse de répondre et attende que le jury s’en rende compte, et, à bout de patience, passe à autre chose, n’arrange rien. Comment persuader les futurs candidats que la note plancher, fixée à la suite de la première partie de l’épreuve, ne sera pas abaissée et qu’un bel entretien de grammaire peut rapporter facilement de 2 à 5 points supplémentaires en grammaire ? Écouter attentivement les questions du jury, qui a fait de la bienveillance un impératif professionnel, éviterait des entretiens décevants. Trop de candidats s’enferment dans leurs analyses (« comme je l’ai déjà dit »...), ne profitent pas de cette deuxième chance pour pratiquer des manipulations devant le jury et formuler des hypothèses, recourent sans se poser davantage de questions à la solution de la locution (de préférence figée) : elle sert abusivement de passe-partout lorsque les candidats, interrogés sur une difficulté ou une délicatesse de construction, préfèrent se dispenser de l’analyser.
Souvent lors de l’entretien, le jury attire l’attention du candidat sur une particularité de la construction par rapport à un usage plus conventionnel, plus moderne ou plus familier : c’est selon... et cette variété de situations ne permet pas au candidat de savoir si lors de sa prestation il s’est trompé un peu, beaucoup ou pas du tout – la question est donc vaine, et le candidat doit plutôt se mobiliser pour se consacrer pleinement à l’échange auquel on l’invite. Et en cas de problème, l’interrogateur reformulera la question autant que possible : il ne faut donc pas s’enfoncer dans le silence mais au contraire nourrir un dialogue alerte et productif.
Certains candidats ont tendance à trop laisser percevoir que les questions posées par le jury lui semblent inutilement vétilleuses, comme si la capacité de distinguer ce qui apparemment se ressemble et en réalité diffère profondément (quel déterminant interrogatif VS lequel pronom interrogatif, que conjonctif VS que relatif…) ne comptait pour rien, scientifiquement parlant. Quand eux-mêmes devront dépenser des trésors d’habileté pédagogique pour enseigner ces distinctions (et bien d’autres) à des élèves rétifs, ils se souviendront peut-être avec une indulgence attendrie (ou consternée) que leur jury de CAPES ne leur demandait pas autre chose que ce qu’ils chercheront désormais à obtenir de leurs élèves.
Je retiendrai de l’ensemble des observations qui précèdent ceci, qui suffit à prouver combien des candidats et un jury peuvent être ensemble contents et contentés : un candidat sur trois s’est vu cette année gratifié d’une note égale ou supérieure à 13 / 20 pour la partie grammaire de l’épreuve, entretien compris ; et le jury est heureux d’avoir pu attribuer régulièrement des notes excellentes, égales ou supérieures à 17 – notes déterminantes, contre un travail préparatoire consciencieux, qui ont certainement valu à ces nouveaux collègues une place confortable au concours. Comme le répondait l’intendant Valère au « Sans dot » d’Harpagon : « Ah ! Je ne dis plus rien. Voyez-vous ? Voilà une raison tout à fait convaincante ; il se faut rendre à cela. » (Molière, L’Avare, Acte I, scène 5)
[1] Les rapports du jury du CAPES sont consultables et téléchargeables via l’adresse suivante : http://www.education.gouv.fr/cid4927/sujets-des-epreuves-d-admissibilite-et-rapports-desjurys.html. Pour les rapports concernant la question de grammaire à l’oral, voir : Gérard Petit, Rapport 2011, p.106 à 114 ; David Zemmour, Rapport 2012, p.58 à 62 ; Xavier-Laurent Salvador, Rapport 2013, p.81-89 ; et Michel Gramain, Rapport 2014 session exceptionnelle, p.100 à 108.
[2] Morgan Guyvarc’h, Rapport du jury de la session 2014 ordinaire, p.132 à 145 :
www.education.gouv.fr/cid76921/sujets-des-epreuves-admissibilite-des-concours-capessession-2014.html
[3] Ainsi beaucoup d’identifications ne sont pas menées à terme et donnent l’impression que le candidat hasarde sa réponse : on parle d’un attribut sans préciser s’il l’est du sujet ou de l’objet, on évoque la fonction COD sans donner le verbe qui le construit…
[4] Le meilleur conseil à donner serait que le candidat gère mieux le flux oral de son explication de texte en évitant les atermoiements, les redites, les lenteurs : il faut insister sur l’assurance que des prestations globales de quarante minutes peuvent obtenir de très mauvaises notes quand d’autres qui n’ont pas dépassé trente minutes en obtiennent de fort bonnes. « Jouer la montre » lors de l’explication de texte est un très mauvais calcul qui se retourne toujours contre le candidat, que sa commission interrompra autoritairement à un moment ou un autre, au risque de le déstabiliser : « L’excellence n’exclut pas la sobriété et l’efficacité du propos » (Zemmour, Rapport 2012, p.58).
[5] En tête ou en fin de prestation, surtout lorsque l’exposé grammatical est référé au programme des lycées, il sera apprécié que le candidat se préoccupe des prolongements possibles sur le sens du texte pour des questions comme les temps, les modes, l’énonciation, les adverbes, la subordination, les types de phrase, etc.
[6] Voir le rapport précédent (Morgan Guyvarc’h, Rapport 2014, p.135-136), qui étudie en détail les types de lien qui peuvent s’établir entre la notion à étudier et le document.
[7] Les bonnes analyses commencent par les occurrences du texte et ne passent qu’ensuite au document. Elles indiquent alors, brièvement, à partir d’un ou deux exercices choisis, comment on pourrait présenter une difficulté à une classe de tel ou tel niveau.
[8] Outre la Grammaire méthodique du français (M. Riegel, J-C. Pellat, R. Rioul, Paris, PUF, 2009, en abrégé GMF), régulièrement citée dans ce rapport, on mentionnera parmi les outils de travail la Terminologie grammaticale, Réédition de 1998, CNDP (http://crdp.acbordeaux.fr/documentalistes/docadmin/grammaire.pdf). Pour des références supplémentaires, voir Guyvarc’h, Rapport 2014, p.144.